La quête du bonheur relèverait-elle du paradoxe : provoquer un changement en soi tout en s’acceptant tel.le que l’on est, là, maintenant dans l’instant ? Avec cette vision contradictoire, il devient difficile de trouver son équilibre... Mais si ce paradoxe n’était qu’apparent ? En effet, il se pourrait bien que l’acceptation de soi, sincère, profonde, soit le coeur même du changement. Ainsi, acceptation de soi et changement sont réconciliés, comme les deux côtés d’une même pièce.
Qui ne se surprend jamais à penser, ou à faire des choses qui ne lui conviennent pas ? Divisé.es, nous pensons et agissons “à contre coeur” et désespérons de pouvoir changer. Face à cela, nous sommes tous et toutes enclin.es à une immense violence envers nous-mêmes, forgée dans nos conditionnements animaux et égotiques. Bien souvent l’influence de la moralité sociale sur les jugements que nous portons (sur nous comme sur les autres), n’aide pas franchement à désamorcer ce conflit intérieur. Elle aurait même plutôt tendance à l’exacerber avec, entre autre, son outils de prédilection, la culpabilité. Mais la question de la justice et de la justesse, en matière de lois sociales est sans fin et monopolise souvent notre attention, tournée alors excessivement vers le monde extérieur. Pourtant, l’une des plus puissantes amorces de l’acceptation de soi se trouve ailleurs...
L’acceptation de soi passe par la capacité de s’observer avec recul sans chercher à intervenir sur ce que l’on observe. Observer n’est pas analyser. Ce n’est pas non plus définir, ce n’est même pas chercher à comprendre. Observer c’est poser son attention sur quelque chose, à la façon d’un oiseau qui se pose sur la branche, s’y accroche et s’y maintient, immobile.
L’observation sur le souffle tel qu’il est, avec la récitation du mantra du souffle Ham-Sa est l’une des grandes pratiques d’observation prisées par le Yoga. Ham à l’inspire, Sa à l’expire, le corps érigé dans une posture stable et confortable, et puis prendre le temps, rien de plus.
L’observation aiguise alors l’attention qui aiguise à son tour la concentration qui mène vers l’immobilité. L’immobilité du corps, déjà, puis vient celle du souffle et enfin du mental. Peu à peu, pas à pas, l’observation du souffle conduit vers un état de “non mental”, caractérisé par l’absence de pensées discursives. Biensûr, il y a des degrés de non-mental, et arriver à ne plus rien penser du tout nécessitera certainement de très nombreuses heures de pratique. Quoique, on ne sait jamais…
L’une des prouesses de l’état d’immobilité et de concentration profondes est de réhabiliter la véritable nature des choses : l’impermanence. Cette prise de conscience participe à nous émanciper de la dictature de nos conflits psychologiques parce que nous réalisons qu’ils suivent le même processus que toutes les manifestations de Shakti, l'Énergie : ils naissent, vivent puis meurent !
Cela dit, cet état de concentration vers lequel nous mène l’observation n’a pas besoin d’être parfait pour produire des effets bénéfiques sur l’acceptation de soi. Il suffit de quelques secondes de véritable concentration, plongé.e dans le silence intérieur, pour goûter à un autre rapport à soi-même. Plus en recul, on est moins en prise avec ce qui, d’ordinaire, nous tourmente. Et c’est là que s’opère le changement dans l’ acceptation.
Loin de nous inciter à la résignation, l’acceptation de tout ce qui se manifeste dans notre monde intérieur ouvre la voie d’une connaissance de plus en plus fine de notre véritable nature, SAT-CIT-ANANDA, Être-Conscience-Béatitude. En chemin, elle nous libère des entraves si chères à notre égo, tels que les jugements, les doutes et les insatisfactions. L’Amour de soi requiert du temps, de la patience et de la persévérance pour apprendre à se découvrir avec plaisir. C’est une quête digne des héroïnes et héros que nous sommes.
Maude Perraud